Les machines à calculer...
Les premières machines à calculer de Lemaître
Son expérience avec la Differential Analyser au M.I.T. au début des années 1930 stimule l’intérêt de Georges Lemaître pour les machines à calculer. Lorsqu’il revient en Belgique en février 1933, il va continuer d’utiliser les machines dans le cadre de ses recherches. Il possède déjà personnellement quelques machines additionneuses élémentaires telles que l’Addiator et la Curta. Ces deux machines mécaniques « de poche » permettent d’additionner, de soustraire, de multiplier et parfois de diviser.
Ses travaux se complexifiant au fil du temps et demandant l’usage de matériels de plus en plus perfectionnés, Georges Lemaître fait acquérir par l’Université cinq machines à calculer électromécaniques Mercedes. Ces machines sont mises à disposition des étudiants et installées dès 1935 dans le grenier de l’Institut de physique installé dans l’ancien collège des Prémontrés à Leuven, l’emplacement du futur Laboratoire de recherches numériques.
Sa passion pour ces machines à calculer est telle qu’il les déplace dans son appartement de Louvain durant la guerre, de peur que les Allemands ne les réquisitionnent. Cela n’empêche nullement les étudiants de travailler correctement. Conscient des conditions de vie difficiles, Lemaître les autorise à utiliser les Mercedes chez lui, même lorsqu’il n’est pas là.
Afin de faire ressortir tout le potentiel des machines, Lemaître étudie leur fonctionnement interne et les manipule rapidement avec une grande maîtrise. L’usage qu’il fait de la Moon-Hopkins est très illustratif. Au début des années 1950, le président de la Kredietbank, Fernand Collin lui offre cette machine à calculer comptable en signe d’amitié. Georges Lemaître en apprend vite la programmation et utilise cette machine, conçue pour calculer les intérêts bancaires et incapable de diviser, dans des calculs aussi complexes que la forme des amas de galaxies et des orbites de particules chargées dans la magnétosphère.
« Lorsque Lemaître revient en Belgique en février 1933, il va continuer d’utiliser les machines dans le cadre de ses recherches. Afin de faire ressortir tout le potentiel des machines, Lemaître étudie également leur fonctionnement interne et les manipule rapidement avec une grande maîtrise »
La création du Laboratoire de recherches numériques
L’intérêt de Georges Lemaître pour le calcul numérique a un retentissement sur l’Université catholique de Louvain. En 1952, avec l’aide de quelques collaborateurs et étudiants, il fonde le Laboratoire de recherches numériques qui lancera plus tard l’Université sur le chemin de l’informatique. Cependant, initialement, ce Laboratoire sert surtout à institutionnaliser ce qui se passe dans le grenier du collège des Prémontrés et faciliter l’obtention de financements. D’ailleurs, jusqu’au milieu des années 1960, les activités du Laboratoire sont presque exclusivement liées aux travaux de Lemaître.
Georges Lemaître n’a pas comme objectif de faire évoluer l’Université sur le terrain de l’informatique. Il refuse même une offre de financement de l’Air Force Office of Scientific Research, une entité de l’Armée de l’air américaine, qui aurait pu contribuer grandement au développement du Laboratoire de recherches numériques et donc au rayonnement de l’Université. Craignant de perdre sa liberté dans son travail, Lemaître décline l’offre. Il préfère être indépendant dans ses recherches.
Le temps de l’électronique
Le Laboratoire comprend d’abord les machines Mercedes acquises en 1933 et des Burroughs 7282. Par la suite, d’autres machines de plus en plus perfectionnées viennent compléter le panel de calculateurs. Parmi celles-ci : la Burroughs E-101, la première machine électronique de l’Université catholique de Louvain. Lemaître voit pour la première fois cette machine lors de l’exposition universelle de 1958 à Bruxelles. Il est tellement convaincu de son potentiel qu’il contribue lui-même à son achat.
En 1964, la NCR-Elliott 802 rejoint le Laboratoire. C’est le premier ordinateur binaire présent à l’Université. En achetant cette machine, Lemaître et ses collaborateurs positionnent davantage l’Université à l’avant-garde de l’informatique. Comme à son habitude Georges Lemaître s’intéresse au fonctionnement de la machine. Afin de simplifier les manipulations, il va jusqu’à développer un nouveau langage avec son neveu Gilbert Lemaître : l’AUTOCODE. Ce langage permet de programmer automatiquement les manipulations que l’on devait effectuer jusqu’alors manuellement. C’est principalement avec l’Elliott-802 que les autres chercheurs louvanistes vont avoir accès aux machines à calculer.
Même si Georges Lemaître prend du plaisir à manier et programmer ces machines à calculer, il s’agit surtout pour lui d’un moyen de perfectionner ses calculs et d’avancer dans ses recherches. S’il connaît leur fonctionnement en profondeur et s’il manie à la perfection ces machines, c’est surtout dans le but d’exploiter le maximum de leurs capacités dans l’intérêt de ses travaux.
« Même si Georges Lemaître prend du plaisir à manier et programmer ces machines à calculer, il s’agit surtout pour lui d’un moyen de perfectionner ses calculs et d’avancer dans ses recherches »