Le professeur...
La carrière de Lemaître
C’est en juillet 1925 que débute la carrière professorale et académique de Georges Lemaître. À peine revenu des États-Unis, où il a récolté toutes les données qui lui permettront de poser sa théorie de l’expansion de l’Univers, Lemaître est nommé Chargé de cours à l’Université de Louvain. Il reçoit la charge du cours « d’Histoire et méthodologie des mathématiques « et succède ainsi à celui qui fut son promoteur de doctorat en mathématique et physique, le Professeur Charles de la Vallée Poussin. Georges Lemaître devient également le premier professeur du nouveau cours de « Relativité ». En octobre 1927, quelques mois après la sortie de son célèbre article fondateur « Un Univers homogène, de masse constante et de rayon croissant, rendant compte de la vitesse radiale des nébuleuses galactique »dans lequel il explique sa thèse de l’expansion de l’Univers, il est promu professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain.
Par la suite, ses charges d’enseignement s’alourdissent. Au décès de Maurice Alliaume en 1932, il reprend les cours « d’Astronomie sphérique et mathématique », et de « Probabilités et théorie des erreurs d’observation ». Six années plus tard, il reprend également le cours de « Mécanique ». L’Occupation ne sera pas non plus sans conséquence. Il enseigne le cours de « Philosophie et religion », en suppléance de Monseigneur De Strijker, indisponible en raison de la guerre. Enfin, les avancées technologiques et ses prédispositions pour l’utilisation des machines à calculer l’amènent à donner un cours de « Programmation en ALGOL » (un langage informatique) à la toute fin de sa carrière peu de temps avant qu’il n’accède à l’éméritat en juillet 1964.
La tête dans les étoiles
Même s’il ne donnera pas tous ces cours durant la totalité de sa carrière académique de professeur (en 1962, il ne s’occupe déjà plus que des cours de Relativité, de Mécanique, et d’Histoire et de méthodologie des mathématiques), Lemaître est néanmoins très occupé par sa mission d’enseignement. Mais cela ne l’empêche pas non plus de continuer à voyager et à se rendre à des congrès à l’étranger, comme, par exemple, aux États-Unis en 1932-1933. Il passe également de longues périodes dans d’autres institutions universitaires, comme en 1938 où, de février à juin de cette année-là, il séjourne au titre de professeur invité à l’Université Notre-Dame dans l'Indiana ainsi qu’à l’Université de Chicago.
Ses voyages, et également son caractère distrait et désordonné, l’empêchent de préparer minutieusement ses cours. Un jour, alors qu’il était censé faire défiler des diapositives dans le cadre de son cours d’Astronomie, l’éminent cosmologue belge se trompe de série et projette des photographies de ses voyages. Sans se laisser décontenancer, Lemaître entreprend alors un exposé sur l’importance des rencontres internationales dans la recherche.
Des méthodes nébuleuses
« Mais qu’est-ce que vous avez aujourd’hui, vous êtes malades, tous ? Mais moi je ne sais pas donner cours comme ça ! »
Le scientifique belge n’aime pas non plus la méthode classique d’enseignement qui correspondait à faire une synthèse de la matière. Il préfère procéder par résolutions de problèmes, et c’est aux étudiants d’en dégager la matière. Pendant qu’il est au tableau, occupé à résoudre un problème, Odon Godart, un de ces anciens étudiants se rappelle le bavardage et l’inattention des étudiants. Mais cela n’irrite nullement Lemaître, celui-ci aime travailler avec un bruit de fond. Une fois, raconte André Deprit, un autre de ses anciens élèves, les étudiants s’étaient donné le mot de se taire ; quelques minutes après le début du cours, ne soutenant plus ce silence, l’éminent professeur lança alors : « Mais qu’est-ce que vous avez aujourd’hui, vous êtes malades, tous ? Mais moi je ne sais pas donner cours comme ça ! », et le bruit reprit aussitôt.
Malgré son amour et son respect pour sa fonction d’enseignant, il arrive souvent à Lemaître d’être distrait et d’oublier les heures de ses cours et même des examens. Un étudiant a raconté qu’alors qu’il devait passer un examen devant lui, Lemaître est arrivé en retard ; le professeur avait oublié l’épreuve. Lorsqu’il arriva à son bureau, une file d’étudiants attendaient. Pris de court et bien forcé de reconnaître son erreur, il donna un treize à tous, sans même leur poser une seule question.
« Chers Messieurs, je n’ai pas l’intention de faire cours aujourd’hui ! »
Voici comment débute l’enregistrement sonore ci-dessous qui contient les dernières minutes du dernier cours de l’année 1959 de Georges Lemaître. On peut entendre le professeur expliquer les modalités pour son examen d’une manière assez singulière. Cet enregistrement est un bon exemple de l’ambiance générale d’un cours donné par le professeur Georges Lemaître.