Sa formation
Quelques professeurs
Dès le début de sa scolarité, Georges Lemaître présente de réelles prédispositions en mathématique et en science. Il dira lui-même plus tard dans une interview au New York Times que vers 9 ans déjà, les sciences exactes et la religion l’intéressaient.
En 1904, au collège jésuite du Sacré-Cœur à Charleroi, il rencontre un professeur de sciences, Ernest Verreux, prêtre et scientifique. Le désir d’une double vocation se précise.
À 16 ans, il dit ressentir un appel vers la religion. Il veut alors se tourner vers la foi, mais aussi vers les sciences qu’il chérit particulièrement.
« Je m’intéressais à la vérité du point de vue du salut autant qu’à la vérité du point de vue de la certitude scientifique. Il m’apparaissait qu’il y avait deux chemins conduisant à la vérité et je décidai de les suivre l’un et l’autre. Rien dans ma vie professionnelle, rien non plus de ce que j’ai appris en science et en religion ne m’a jamais incité à changer d’opinion. »
Il manifeste l’envie de rentrer au séminaire. Il en parle à sa famille, mais son père, entrepreneur au cœur d’une région industrielle, lui demande de conquérir d’abord un diplôme d’ingénieur des mines. Respectant la volonté paternelle, Georges Lemaître s’inscrit à Louvain en 1913.
Mais avant cela, il suit, comme il était d’usage au sortir des humanités gréco-latines, un cursus de préparation mathématique aux études universitaires au Collège Saint-Michel à Bruxelles. Il y rencontre le père Bosmans, un autre professeur qui va l’impressionner par son indépendance, son esprit scientifique et sa foi intense. Georges Lemaître comprend qu’il est possible de combiner science et foi.
Un bac en philosophie thomiste
En 1913, Georges Lemaître entame à l’Université de Louvain des études d’ingénieur des mines et commence aussi un bac en philosophie thomiste à l’institut fondé par Désiré Mercier. Lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale, il s’engage comme volontaire. Rendu à la vie civile en janvier 1919, il reprend ses études et décroche une distinction en philosophie thomiste.
L’étude de la Somme théologique de Tomas d’Aquin l’éveille à la distinction entre Commencement physique et naturel du monde, relevant d’une approche scientifique, et Création, question sur laquelle se penche la théologie. Cette différenciation sera la base de sa pensée à venir qui respectera, mais n’amalgamera jamais, les domaines respectifs des sciences et de la religion.
L'une des plus grandes œuvres de Georges Lemaître demeure sa théorie de l’atome primitif. Il va souvent être accusé de concordisme et développera, pour s’en défendre, un argumentaire exposant que sa théorie de l’atome primitif ne vise pas à prouver l’existence de Dieu comme certains l’en accusaient.
Sa théorie est essentiellement physique. Il l’applique à la relativité d’Einstein et utilise la mécanique quantique et la thermodynamique pour expliquer le commencement de l’univers. Si on remonte suffisamment dans le temps, on trouve un univers où l’entropie est minime (second principe de la thermodynamique) ainsi que le nombre de quanta : c’est l’atome primitif, ou du moins la singularité indivisible primaire. Sa théorie ne cherche pas ce qui a placé cet atome, ni la causalité primitive. D’ailleurs, il est impossible de remonter plus loin (d’un point de vue chronologique et physique) que cette singularité, étant donné que l’espace et le temps n’existaient pas avant. Les lois de la physique ne s'appliquent donc plus. D'autant que, la science ne peut expliquer un élément qu’à partir d’un autre élément qui existe déjà. Comme dit Thomas d’Aquin, Quod mundum non semper fuisse, sola fide tenetur. « Que le monde n’ait pas toujours existé, seule la foi le sait ». La théorie de Georges Lemaître est donc exclusivement physique. Elle se penche sur ce que Thomas d’Aquin appelle le « Commencement » de l’Univers.
Ce qui ne l’empêche pas de chercher, d’un point de vue personnel, une vision plus globale et métaphysique de l’Univers. Selon lui, l’existence de cet atome primitif est due à une causalité primitive, une volonté créatrice qui l’aurait placé là et qui, pour lui, est Dieu. Cependant, il ne mélange jamais Commencement physique et Création métaphysique de l’univers. Pour lui, comme pour Thomas d’Aquin, la Création est un acte créateur qui transcende le temps, où Dieu place le monde dans son existence. On peut imaginer selon la philosophie thomiste, un monde qui existe et soit soutenu dans un temps infini par Dieu, sans avoir été créé. Thomas d’Aquin parle de « Creatio continua » : si le monde existe hier, aujourd’hui et demain, c’est qu’il a été placé dans son existence par une entité suprême.
La pensée de Thomas d’Aquin va fortement influencer Georges Lemaître, elle va l’aider à appréhender la différence qu’il doit opérer entre physique et métaphysique. Exclusivement physique, sa théorie ne l’empêche pas de penser que Dieu a posé l’atome primitif dans son existence et qu’il est la cause primitive de tout. Cette conviction est toute personnelle et est à distinguer de sa théorie physique.
Le séminaire
Après ses études de mathématiques et de physique, Georges Lemaître se tourne vers son autre vocation : la prêtrise. Tout juste doublement diplômé, il rejoint le 1er octobre 1920 le séminaire des vocations tardives de l’archidiocèse de Malines, la maison Saint-Rombaut, qui propose une formation à la prêtrise en trois ans aux candidats ayant été empêchés par la guerre.
Il s’intéresse à la théorie de la relativité d’Einstein et, souhaitant postuler pour une bourse, le cardinal Mercier, archevêque de Malines, l’autorise à poursuivre ses recherches durant la durée de son séminaire.
C’est également durant ces trois années qu’il apprend l’existence de la fraternité sacerdotale des Amis de Jésus et qu’il y adhère. Elle lui permettra d’approfondir sa vie spirituelle.
Ordonné prêtre le 22 septembre 1923 par le cardinal Mercier à la cathédrale Saint-Rombaut à Malines, il célèbre le lendemain sa première messe à la paroisse Saint-Henri à Bruxelles et la seconde à Charleroi, en l’église Saint-Christophe, où il avait été baptisé.
Le 27 juillet 1935, le cardinal Van Roey, successeur de Mgr Mercier, l’élève à la dignité de chanoine honoraire du chapitre de la cathédrale Saint-Rombaut à Malines.