Le cardinal Mercier et les Amis de Jésus
Georges Lemaitre a été fortement influencé par les idées et les convictions de Désiré-Joseph Mercier. Le cardinal prônait l’importance d’un retour aux Écritures, et une piété plus vraie pour le clergé séculier. C’est ainsi qu’il mit en place dans les années 1910 la Fraternité des Amis de Jésus, un groupe spirituel, que Lemaître a sans doute rejoint lors de son séjour à la maison Saint-Rombaut, où il est en contact avec le responsable de la fraternité, le chanoine Allaer. La communauté sera édifiée canoniquement le 27 décembre 1927 par le successeur de Mercier, le cardinal Van Roey.
Georges Lemaître vit une foi intense depuis la fin de la guerre : son engagement envers Dieu se veut complet et radical. La fraternité des Amis de Jésus comble ce besoin, il y trouve ce retour aux Écritures, semblable à ce que Bloy promouvait dans ses exégèses. Elle a permis à Lemaître de vivre cette dimension théologique et spirituelle, même quand il devait la taire dans ses contacts avec le monde scientifique. Il n’a d’ailleurs jamais parlé de son adhésion à la Fraternité ni à sa famille, ni à ses collègues et ses proches.
Il respecte les principes de la Fraternité : une heure de réflexion après la messe quotidienne, 10 jours de retraite silencieuse annuelle à la maison Regina Pacis. Il prononce ses trois vœux définitifs (pauvreté, chasteté et obéissance) le 1er août 1930. Il fit même en 1942 le dernier vœu : celui du don de soi au Christ. Les Amis de Jésus axaient leur spiritualité sur la contemplation, mais également sur les missions apostoliques : Lemaître va aider notamment des étudiants chinois résidant à Louvain et ira même jusqu’à apprendre leur langue.
Ce point nous fait comprendre que tout en étant un grand scientifique, Lemaître était animé par une foi profonde qu’il n’abordait qu’avec peu de gens, mais qui était bien présente.
Durant ces retraites silencieuses annuelles, il remplissait de nombreux cahiers de notes. Il y couchait ses pensées : religion, science, préparation de cours, prières en latin... Les différents aspects de sa vie ne devaient plus ici être autant séparés qu’au contact avec des scientifiques. Un certain nombre de carnets nous sont restés en témoignage des retraites annuelles de Georges Lemaître au sein de la fraternité. Toutefois, au sein de ses notes, on décompte autant de propos spirituels et religieux que d’équations et de notes scientifiques. Une pensée qui s’entremêle, jamais au repos, qui se nourrit de ses diverses facettes. Ainsi dans le carnet daté d’août 1940, il énumère les « devoirs d’état » qu’il ne remplit « pas suffisamment jusqu’ici » : il cite la prière, la préparation de ses cours, « dans les circonstances actuelles, l’étude de l’allemand » et termine en énumérant son (ses) travail (aux) de recherche. Dans ses notes journalières de la retraite d’août 1947, notes personnelles et notes de lecture se côtoient, Jean de Ruisbroeck, saint Jean de la Croix...