Pie XII et le discours Un'Ora

Laissez-passer à la Cité du Vatican

Le laissez-passer au Vatican matérialisant son élection en tant que membre de l’Académie pontificale des sciences, le 28 octobre 1936. 

En 1936, Georges Lemaître est nommé membre de l’Académie pontificale des sciences dont la mission est d’assurer, dans une certaine indépendance, le progrès et la recherche dans les domaines scientifiques. 

Le 22 novembre 1951, Pie XII prononce devant l’Académie pontificale le discours « Un’Ora ». Le contexte était particulier  : l’encyclique « Humani Generis », publiée l’année précédente, avait été mal reçue par les milieux scientifiques qui voyaient en elle une entrave aux progrès scientifiques. Passionné d’astronomie, Pie XII voulait témoigner de l’importance de la science. Toutefois son discours prit des accents concordistes, faisant référence au livre de l’Académicien pontifical Edmund Taylor Whittaker, Space & Spirit. Theories of the Universe and the Arguments for the existence of GodLequel y confondait totalement les notions de Commencement et de Création. Pie XII relaie cette thèse et évoque, à plusieurs reprises, la théorie de l’atome primitif. Il ne cite jamais le nom de Lemaître, mais l’allusion est évidente. 

« (…) vous qui scrutez et dévoilez les secrets de la nature et enseignez en même temps, avec le langage des chiffres, des formules, des découvertes, les ineffaçables harmonies du Dieu d’infinie sagesse. La vraie science, plus elle progresse, plus elle découvre Dieu ». Pie XII — Un'Ora — 22 novembre 1951.

Ce discours dérange fortement Lemaître pour plusieurs raisons. La première est que sa théorie de l’atome primitif n’est pas prouvée à cette époque et elle ne fait pas consensus dans les milieux scientifiques. La seconde est la confusion opérée entre Commencement et Création. De plus, faisant partie de l’Académie devant laquelle le discours a été prononcé, ses adversaires risquent de l’accuser de soutenir cette vision concordiste, or, il s’est battu durant les années précédentes pour se détacher de cette image de prêtre faisant de la science pour prouver l’existence de Dieu. 

Le 7 septembre 1952, un second discours était prévu à Castel Gondolfo devant l’Union Astronomique Internationale. Certains ont évoqué l’hypothèse que Lemaître serait peut-être passé par le père O’Connell, proche du pape et futur directeur de l’Académie pontificale des sciences, pour demander au souverain pontife de ne plus faire allusion à sa théorie. Il semble que Pie XII ait reçu ce message, car la théorie de l’atome primitif n'est pas évoquée dans ce second discours. 

Lemaître, bien que contrarié, n’en veut pas à Pie XII. Selon lui, le pape est resté dans son domaine, même si un concordisme basé sur la théorie de l’atome primitif n’est pas le bienvenu en ce qui le concerne. Il aurait d’ailleurs déclaré en 1963 : 

« Au sujet de l’attitude du souverain Pontife, il est clair qu’elle se situe sur le terrain qui lui est propre et qu’elle n’a aucune relation avec les théories d’Eddington ou les miennes. Mon nom n’est d’ailleurs pas cité dans ce discours ».

Lettre de nomination à l’Académie pontificale des sciences

L'Académie Pontificale des sciences du Vatican accueille Lemaître en tant que membre en 1936 et l’élit président en 1960. Placée sous la protection du souverain pontife, l'Académie définit par elle-même sa propre activité, conformément à son objet, rappelé par ses statuts : promouvoir le progrès des sciences mathématiques, physiques et naturelles, et l'étude des problèmes épistémologiques qui leur sont liés.