Molière est-il une étoile double?

Une étoile double... considérations astronomiques

Tout d’abord, qu’entend Lemaître par « étoile double » ? Il s’agit de deux étoiles qui s’attirent par la gravitation et qui, de ce fait, forment ensemble un système spécifique. En utilisant cette expression, Georges Lemaître renvoie à ses études en cosmologie et démontre les liaisons auctoriales qui peuvent exister en littérature, comme dans le cas de Molière, car, selon lui, le problème est similaire. 

Sa conclusion : Molière est une étoile double

Georges Lemaître pense donc que certaines des œuvres attribuées à Molière ont été réalisées ou inspirées par Louis XIV, d’autres écrites par Jean-Baptiste Poquelin, toutes sous un même nom. Cela expliquerait les différences de style, de forme, de sujet, etc. Selon lui, les dernières œuvres ne sont certainement pas de Louis. À cette époque, le roi écrit ses mémoires, il a vieilli et ses relations avec Molière se sont détériorées — il lui préfère Racine. 

Il justifie ses hypothèses en expliquant non pas que l’on se trompe de personne (ce n’est pas Jean-Baptiste Poquelin qui est Molière, c’est Louis XIV qui est Molière) mais simplement que deux personnes écrivent sous le même chapeau, Molière servant de prête-nom à Louis qui, en tant que roi, ne peut écrire de telles pièces. 

Numériquement, Lemaître estime que près de la moitié des pièces attribuées à Molière ne sont pas nécessairement de lui. 

Carnet de notes relatives aux pièces de Molière

Méthodeanalyse et réflexions lui permettent de parvenir à certaines conclusions qui demeurent toutes personnellesPrésentant un caractère plus confidentiel, cette enquête constitue bel et bien une recherche pour le scientifique et, que l’on ne s’y trompe pas, elle a été menée tout aussi sérieusement que toutes ses autres recherches.

Postérité de ses recherches

Georges Lemaître diffuse aussi son hypothèse auprès d’étudiants romanistes et d’anciens membres de la Faculté de philosophie et lettres, qui ne le prennent pas vraiment au sérieux. Ses conférences se tiennent au Cercle pédagogique de Louvain ou encore à la Rotonde. En fait, de manière générale, aucun romaniste n’adhère à son hypothèse. Charles de Trooz, par exemple, n’est pas satisfait de son argumentation. Théophile Hénusse, moliériste de formation, restait également sceptique. Quant à ses collègues scientifiques, ils ne comprennent pas son intérêt pour le domaine. La plupart pensent qu’il s’agit d’une parenthèse, d’une période de repos par rapport à ses travaux habituels. Il ne s’agit cependant pas de cela, car Lemaître est réellement passionné par ses recherches. Dominique Lambert estime pour sa part qu’elles sont intéressantes et bien menées, mais que la méthodologie qu’il utilise n’est probablement pas adaptée. Enfin, son entourage s’étonne de son engouement, sauf peut-être sa nièce Odette, qui l’aide. 

Les recherches sur l’auteur des pièces de Molière sont une véritable passion pour Georges Lemaître. Il y attache une grande importance, malgré leur éloignement par rapport à ses recherches habituelles. La presse en parle cependant peu : un article rend compte de son étude Lemaître, du cosmos aux précieuses ridicules (La Libre Belgique, 1960). Il s’agit d’une rétrospective générale de la vie et des travaux de Lemaître qui, de ce fait, aborde brièvement ses recherches sur Molière. En 2012, Dominique Lambert, grand connaisseur de Georges Lemaître, publie son étude avec l’aide de Jean-François Viot.